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DROIT 6 Février 2019

Dossier: quand une ASBL publique se permet de s'endetter auprès de l'ONSS

Dans le paysage associatif belge gît le CDCS-CMDC, une ASBL publique aux relents d’enfant gâtée. Elle s’est permise de s’endetter jusqu’à plus de 80 000€ en manquant de payer ses cotisations sociales pendant 5 ans. Une folie à laquelle peu d’employeurs se risqueraient. Mais l’association a l’avantage de pouvoir compter sur les autorités publiques pour remettre les comptes à l’équilibre. Et ne pas être trop pénalisée. Comment en arriver à une telle situation ? Retour sur l’histoire d’une crise inhabituelle provoquée consciemment par cette personne morale publique.

Le CDCS-CMDC 

Créé en 1979, le CDCS-CMDC - Centre de documentation et de coordination sociale -  est reconnu comme un « service d’information sociale bicommunautaire ». Il a pour mission d’être un centre de recherche, de documentation, d’étude, de coordination et de promotion concernant toutes les questions d’ordre social. Un service, BRUDOC, met cette documentation à disposition gratuitement via une bibliothèque située au sein de l’ASBL et une autre bibliothèque virtuelle. Le centre est aussi chargé de contribuer à la formation permanente des intervenants sociaux.

En 2003, l’association signe une convention avec le Collège réuni de la COCOM qui lui confie une mission supplémentaire : celle de produire et de distribuer la « carte sociale », un outil qui répertorie les adresses des centres et services actifs sur le terrain de l’aide aux personnes. Un budget global de 189 000€ était prévu pour que l’ASBL puisse remplir la totalité de ses missions. En 2007, l’idée d’une carte sociale digitale émerge et le CDCS se voit octroyer par les Ministres Evelyne Huytebroeck (Ecolo) et Pascal Smet (sp.a) un subside complémentaire de 150.000€ par an pour lancer le projet en 2008.

Pour réaliser son cahier des charges donc, en 2013, l’ASBL comptait 17 ETP pour un budget d’environ 339 000€ par an (189 000€ + 150 000€).

La dette

Si l’ASBL ne faisait pas de bruit jusqu’alors, en 2012 et en 2013, l’on entend soudain parler d’elle. Cette dernière frôle la catastrophe financière. On parle de « déflagration », de « crise aigüe ». Le cumul des résultats comptables demeure en négatif depuis environ 5 ans. En 2013, ils affichaient - 129.068€. L’ASBL risquait d’être en cessation de paiement. Les 17 équivalents temps pleins avaient déjà reçu leurs préavis.

D’où provient l’essentiel du déficit ? C’est simple : depuis le premier trimestre 2008, l’ASBL ne payait plus ses cotisations sociales. Vu les intérêts et les majorations cumulés pour retard de paiement, la dette à l’égard de l’ONSS avait eu le temps de monter jusqu’à plus de 80 000€. Normal ? Bien sûr que non. D’autant plus que l’ONSS veille toujours à envoyer une série de rappels avant d’en venir aux sanctions.

  • Comment en arriver là ? Le CDCS-CMDC se justifie en évoquant deux évènements :
    • La régionalisation de l’ASBL en 1990 : fédérale, elle est devenue bruxelloise. Et désormais, ses seuls subsides provenaient de la COCOM, laquelle a oublié de verser les subventions cette année-là ;
    • La convention de 2003 qui aurait « rajouté du déséquilibre au déséquilibre de 1990 en actualisant les missions de manière trop globale et en élargissant le champ des contributions et des recherches de manière trop large (…) sans subsides complémentaires pour couvrir les coûts (personnel temporaire, fonctionnement, etc.) supplémentaires que cela impliquait ».

Le CDCS-CMDC donc, face à son manque de moyens et débordé par ses « nouvelles missions », n’aurait pas eu le choix d’accumuler 5 années de retard de paiement de ses cotisations sociales. Certes, 339 000€ pour rémunérer 17 ETP, ce n’est pas suffisant. Mais les 17 ETP n’étaient-ils pas trop nombreux pour remplir les missions de l’ASBL ? En partant même du principe que ce nombre se justifiait, la solution était-elle pour autant d’arrêter de payer ses cotisations sociales ?

Non, d’autres solutions existaient. D’autant plus pour une ASBL publique qui, via ses administrateurs, a les moyens d’interpeller à temps les autorités de tutelle en cas de besoin. Or, le CA de cette ASBL a attendu 2012, quand ça n’allait vraiment plus du tout, pour demander un audit et interpeller les politiques.  

Le sauvetage

Le collège réuni de la COCOM n’a pas directement réagi aux appels à l’aide du CDCS-CMDC. D’ailleurs, contrairement aux précédentes années, les subsides de l’année 2012 n’avaient pas encore été versés. Les autorités de tutelle – principalement les cabinets en charge de l’aide aux personnes du Collège réuni de la Commission Communautaire Commune – devaient se positionner. Juger si, dans un tel état de crise, le CDCS-CMDC méritait de continuer à exister.

Ce dernier, n’ayant plus le choix, a mobilisé toutes ces forces pour obtenir des moyens budgétaires supplémentaires. Equipe, direction et administrateurs s’y sont mis pour sensibiliser les politiques : préavis de grève, questions parlementaires, rendez-vous avec les cabinets ministériels, ...

La mobilisation fut efficace puisqu’à la fin de l’été 2013, le CDCS-CMDC était arrivé à ses fins. Sous conditions de licencier 25% de son personnel et d’élaborer un plan de restructuration pluriannuel, le collège réuni acceptait, entre autres, de : verser du solde des subsides de 2012 et une avance de 80% de ceux de 2013 ; se porter garant pour un prêt auprès de la banque CREDAL pour résorber les dettes à l’égard de l’ONSS ; le subsidier structurellement.

Avec de telles mesures, le sauvetage fut immédiat : en 2014, les comptes de l’ASBL affichaient un boni de 201 583,78€ ! Merci à la communauté !

Si l’histoire de cette crise peut sembler insignifiante, elle interpelle tout de même sur plusieurs points. La dette engendrée par le CDCS-CMDC provenait visiblement d’un personnel surnuméraire puisqu’il s’agissait d’une dette à l’égard de l’ONSS. Pour maintenir le nombre d’employés, l’ASBL a préféré s’endetter pendant 5 ans plutôt que de prendre les mesures qui s’imposaient. Quel employeur peut se permettre de faire ça ? Que faisaient ces 17 ETP ? L’ASBL avait-elle besoin d’autant de main d’œuvre pour remplir sa mission ? Aujourd’hui, peut-on considérer que l’ASBL remplit son cahier des charges ? Des questions importantes auxquelles nous tentons de répondre ce jeudi.