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Intégrer le genre à la gestion de l’ASBL : pourquoi c’est important ?

Opter pour une approche du genre dans la gestion des ressources humaines de l’ASBL c’est garantir l’égalité entre les hommes et les femmes. Avec l’aide de Marcela de la Peña Valdivia, experte en genre, MonASBL.be revient sur la définition de cette notion et sur ce que les ASBL ont à gagner en l’intégrant dans leur gestion.

La thématique de l’égalité hommes-femmes est parvenue à s’imposer dans le débat public, notamment grâce à l’action des mouvements féministes. Pour autant, la question du genre a-t-elle trouvé sa place au sein de la gestion des ASBL ? Pas tout à fait, constate Marcela de la Peña Valdivia, experte et formatrice internationale en genre, directrice de Chaska international ASBL. « Il y a eu une évolution car on en parle plus mais tout le monde ne comprend pas l’intérêt ».

Avec l’aide de cette experte, MonASBL.be revient sur la définition même du genre, ce que les ASBL ont à gagner en intégrant cette notion dans leur gestion et comment le faire concrètement.

Le genre, de quoi parle-t-on ?

« Sexe » et « genre » : deux notions différentes

Dans un premier temps, il est important de différencier les notions de « sexe » et de « genre » :

  • Le sexe recouvre les différences biologiques entre les hommes et les femmes ;
  • Le genre évoque les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu'une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes.

Lien utile : La vidéo explicative de l’Institut fédéral pour l’égalité des hommes et des femmes

Ainsi, intégrer le genre à la gestion des ressources humaines c’est mettre en place des pratiques qui tiennent compte de ces différents rôles, comportements, etc.    

Femmes et genre : attention à l’amalgame

Si la question du genre revient indéniablement à mettre en lumière les discriminations à l’égard des femmes, il ne s’agit pas de faire « l’amalgame entre femmes et genre. Il y a aussi tout un travail sur la construction de la masculinité et son impact sur les hommes », précise Marcela de la Peña Valdivia.

Pourquoi l’intégrer dans la gestion des ressources humaines ?

Comme nous l’avons souligné au début de l’article, aujourd’hui encore, certaines ASBL ne voient pas l’intérêt d’intégrer la notion de genre dans la gestion des ressources humaines. Pourtant, elles ont tout à y gagner.

Faire émerger de nouvelles problématiques

Au sein des ASBL et ONG que Marcela de la Peña Valdivia a accompagnées, l’intégration de la notion de genre a permis de soulever de nouvelles questions internes à l’organisation du personnel. « C’est une espèce de catalyseur », explique-t-elle.

Des aménagements qui ne bénéficient pas seulement aux femmes

Les aménagements mis en place ne le sont pas seulement pour les femmes, tout le monde en bénéficie. En effet, l’intégration de la notion du genre permet de construire un espace de travail qui soit plus adapté et moins formaté.

Elargir la vision de l’ASBL

Une meilleure répartition des pouvoirs entre les hommes et les femmes permet également d’ouvrir le champ de vision de l’ABSL et de mettre en avant des compétences jusque-là non reconnues ou invisibilisées dans un contexte de domination masculine. « Ces nouvelles compétences vont entrainer la créativité et l’épanouissement dans la pratiques », continue l’experte.

Un constat notamment réalisé par l’Organisation internationale du travail dans son enquête auprès d’entreprises de 70 pays.

Répondre aux exigences des bailleurs de fonds et pouvoirs subsidiants

Avoir une politique de genre au sein de l’ASBL peut être un argument de poids aux yeux de certains bailleurs de fonds. Pour les financements publics, c’est parfois même une condition sine qua non.

En effet, la loi du 12 janvier 2007 prévoit que chaque ministre : « veille, dans la cadre des procédures de passation des marchés publics et d’octroi de subsides, à la prise en compte de l’égalité des femmes et des hommes et à l’intégration de la dimension de genre » (Institut fédéral pour l’égalité des hommes et des femmes).

Lire aussi : La parité obligatoire dans les AG et CA d’ASBL ?

Être cohérent avec les valeurs de l’ASBL

Si l’ASBL souhaite défendre des valeurs d’égalité, encore faut-il qu’elles les respectent en interne. Et la mise en place d’une gestion des ressources humaines genrée est un outil incontournable.

La question du genre n’est pas une charge de travail en plus

Travailler la question du genre ce n’est pas augmenter la charge du travail, au contraire. Une équipe épanouie sera certainement plus motivée et plus productive. « Il y a des organisations qui ont gagné plus en intégrant le genre, insiste Marcela de la Peña Valdivia. Il faut aller voir ce qui se passe ailleurs pour s’inspirer ».

Les pistes de réflexion…

Maintenant que l’intérêt d’intégrer la notion de genre dans l’ASBL ne fait plus de doute, comment s’y prendre concrètement ? Pour pouvoir mener une politique de genre efficace, il faut prendre en compte trois aspects fondamentaux, insiste l’experte :

Sortir de la perspective marchande

Intégrer la notion de genre dans son ASBL revient à s’écarter de la perspective marchande de recherche de rentabilité, qui se fait parfois au détriment des travailleurs et travailleuses.

Favoriser la mobilité au sein de l’ASBL

Comme le souligne Marcela de la Peña Valdivia, de manière générale il y a peu de mobilité au sein des ASBL. C’est-à-dire des perspectives d’évolution limitées.  Ainsi, les femmes étant principalement à des postes intermédiaires ont davantage de risque d’y rester toute leur vie.

Avoir une vision intersectionnelle

La vision intersectionnelle permet de s’assurer que l’ASBL offre des opportunités aux femmes, aux femmes discriminées et à toutes les personnes discriminées (du fait de leur couleur de peau, leur handicap, leur orientation sexuelle, leur religion…). Offrir des opportunités ne doit toutefois pas se limiter à engager des femmes discriminées à des postes tels que l’accueil ou encore l’entretien.

Lire aussi : Vers une ASBL inclusive : l’intégration des personnes handicapées

Selon Marcela de la Peña Valdivia, il ne s’agit pas seulement d’avoir plus de femmes ou de mettre n’importe quelle femme au pouvoir mais il faut qu’il y ait un autre type de leadership. « Sinon le sexe change mais le contenu ne change pas ». Réciproquement, il ne s’agit pas « non plus de demander plus aux femmes » parce qu’elles sont au pouvoir.

… et des actions concrètes

Faire un autodiagnostic

Pour intégrer la notion de genre de la manière la plus adaptée à l’ASBL, il faudra avant toute chose analyser le mode de fonctionnement en interne.

La Fédération Wallonie-Bruxelles a notamment créé en 2014 un document permettant de réaliser un autodiagnostic de l’ASBL. Sinon, il est également possible de se faire accompagner par une personne spécialisée dans le domaine.

Quelques idées de solutions à mettre en place

Marcela de la Peña Valdivia présente également quelques actions concrètes qui peuvent être menées. Cette liste est bien évidemment non exhaustive.

  • Adapter la gestion des horaires. Cela revient à prendre en compte les rôles des personnes dans leur vie privée, comme les mères ou les personnes qui ont des membres de la famille ou autre à charge. Ainsi, on évitera, par exemple, d’organiser des réunions le mercredi après-midi ou en début de soirée afin de s’assurer que tout le monde puisse y participer.
  • Penser à la manière d’accomplir les tâches. Aujourd’hui, « on est fort dans le présentiel », constate l’experte. L’une des bonnes pratiques reviendrait à se concentrer davantage sur le résultat et identifier les différentes compétences et manière d’accomplir les tâches pour l’atteindre. La mise en place du télétravail revient aussi à prendre en compte les dynamiques dans le secteur privé. Les femmes ayant davantage la charge des tâches domestiques.
  • Lutter contre les stéréotypes. L’ASBL peut réfléchir à des moyens de lutter contre tous types de stéréotypes et les présenter de manière explicite.
  • Favoriser la prise de parole des femmes. L’ASBL Média Animation rappelait récemment que « selon des chercheurs de Brigham Young University et Princeton, les hommes prennent 75 % du temps de parole en réunion (proportionnellement au nombre de femmes présentes) ». Des règles simples peuvent alors être instaurées comme la prise de parole alternée ou encore des bons de parole (chaque personne a 1 ou 2 min de temps de parole).
  • Imposer des rotations pour la prise de décision afin de favoriser la mobilité en interne.
  • Instaurer une alternance ou des binômes pour les postes de représentation. « Cette solution permet de casser l’idée que les hommes sont discriminés au profit des femmes et de montrer que cela permet d’avoir une nouvelle vision », précise l’experte.
  • Intégrer le genre dans les budgets. S’assurer que les financements vont servir aux hommes et aux femmes. « Le meilleur exemple est celui de l’utilisation des espaces sportifs qui sont plus utilisés par les garçons que par les filles », illustre-t-elle.
  • Organiser des réunions avec les femmes de l’ASBL et des formations sur le genre à l’intention de toute l’équipe.
  • Envisager des mesures pour des cas de violence et harcèlement au sein de l’ASBL mais aussi si une femme subit des violences conjugales.

Caroline Bordecq