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DROIT 8 août 2022

À Bruxelles, Transparencia dénonce l’absence de contrôle des ASBL communales

Cinq ans après le scandale du Samusocial, l’ASBL Transparencia tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et estime que Bruxelles fait preuve d’opacité sur ses ASBL publiques.

Cinq ans après le scandale du Samusocial, les ASBL communales bruxelloises n’auraient jamais été contrôlées. C’est ce qu’affirme Transparencia, une ASBL qui lutte pour plus de transparence de la part des instances publiques, dans un article publié par Moustique.

Lire aussi : Le Samusocial dresse le bilan, cinq ans après le scandale

Contacté par MonASBL.be, l’association réitère : en plus des témoignages qu’elle a recueillis au sein de la Région, « la manière la plus objective de le prouver, c’est l’absence de rapport annuel de la tutelle publié sur le site de Bruxelles Pouvoirs Locaux [l’administration en charge de la tutelle, ndlr] depuis 2017-2018 », explique-t-elle. À cela, le cabinet du ministre des Pouvoirs Locaux, Bernard Clerfayt, réagit : l’administration n’est pas obligée de publier un rapport, assure-t-il. Néanmoins, le ministre « ne manquera pas de solliciter BPL pour savoir si l’administration rédige chaque année ce genre de rapport, et si non, pourquoi ».

Les ASBL communales et la tutelle

Pour rappel, on parle d’une ASBL communale lorsque :

  • un ou plusieurs des organes de l’ASBL est composé à plus de 50% par des membres du conseil communal ou des membres proposés par le conseil ;
  • et/ou la commune ou ses représentants directs ou indirects disposent de la majorité des voix dans un ou plusieurs organes de gestion ;
  • et/ou la commune prend en charge la majeure partie du déficit structurel de l'ASBL ou du passif de liquidation.

Depuis 2018, les ASBL communales bruxelloises sont soumises à un contrôle de tutelle organisé par l’ordonnance du 5 juillet 2018. Ces structures doivent transmettre une série d’actes et décisions (actes de l’AG, comptes annuels, contrats de gestion ...) à la tutelle, ainsi que la liste de tous les actes et décisions pris par les organes de l’ASBL. Tous ces documents doivent être transmis dans les 20 jours après leur adoption.

Si un acte ou une décision viole les statuts de l’ASBL ou la loi, ou encore blesse l’intérêt général, alors le ministre des Pouvoirs Locaux peut le suspendre ou l’annuler.

Pour l’heure, seules les ASBL créées après l’entrée en vigueur de l’ordonnance sont soumises à l’intégralité de ces obligations. Les autres ne sont soumises qu’à l’obligation de transmettre que la liste et ce, jusqu’au 1er septembre 2022.

« Peu d’ASBL communales sont légalement soumises à la tutelle »

Contacté par MonASBL.be, sur une éventuelle absence de contrôle, le cabinet du ministre Bernard Clerfayt, précise que seules huit ASBL, créées après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, sont soumises à la mesure de contrôle « la plus forte ». C’est-à-dire à l’intégralité des obligations. « S’il n’y a pas énormément de mesure de tutelle aujourd’hui, c’est parce qu’actuellement, il n’y a pas grand-chose qui est légalement soumis à la tutelle », explique le cabinet.

Pour les autres ASBL communales, celles qui doivent uniquement transmettre une liste (et ce, jusqu’au 1er septembre 2022), « l’ordonnance crée la faculté pour la tutelle de contrôler mais cela ne veut pas dire qu’elle contrôle tout, c’est impossible (cette liste doit reprendre des centaines de milliers d’actes). Mais cela crée une discipline de transparence de la part des ASBL qui peuvent être prêtes à tout moment à être contrôlées par la tutelle », continue le cabinet du ministre.

La récente affaire qui a touché fin juin l’Agence Locale pour l’Emploi (ALE) de Forest montre pourtant qu’en matière de transparence des ASBL publiques, impossible de baisser la garde. En effet, la directrice de cette ASBL aurait détourné de 50.000 à 60.000 euros depuis 2019. Pendant ces trois dernières années, l’ALE bruxelloise n’aurait tout simplement pas présenté de rapport annuel. « Le contrôle est tellement inexistant que même dans les petites associations locales on arrive à des détournements gravissimes », se désole Transparencia.

« Les conflits d’intérêts région-commune »

Plus qu’une simple négligence, pour l’ASBL ce sont les relations région-commune (contrôleur – contrôlé) qui sont au cœur du problème. Transparencia met notamment en lumière le fait que le ministre en charge de la tutelle, qui est également bourgmestre empêché de Schaerbeek, Bernard Clerfayt n’a déclaré que neuf ASBL communales schaerbeekoise dans le cadastre régional publié en 2020, alors qu’elle-même en avait recensé près de 30.

À cela, le cabinet du ministre a réagi en rappelant que c’est l’ordonnance qui « fixe la définition des ASBL qui y sont soumises, ainsi qu’aux règles de transparence et de contrôle qu’elle organise. Ce n’est donc ni le gouvernement, ni l’administration qui choisissent souverainement de ne soumettre que 9 ASBL schaerbeekoises au contrôle ».

Le cabinet précise qu’une nouvelle liste d’ASBL communales (résultant d’un travail d’identification mené sur deux ans) a été adoptée et sera bientôt publiée. « Elle contient 125 ASBL (dont 15 à Schaerbeek). Cette liste est fluctuante puisque certaines ASBL peuvent nouvellement répondre aux critères légaux et tandis que d’autres, jadis ASBL contrôlées, peuvent ne plus satisfaire à ces critères ».

Interrogé par Moustique, Christophe De Beukelaer (Les Engagé.e.s) parle lui plutôt d’un risque de « doublons » et d’« inefficacité ». Le député a d’ailleurs déposé une proposition de résolution afin de simplifier les procédures.

Cinq ans après le scandale du Samusocial

Le choix de Transparencia de tirer la sonnette d’alarme aujourd’hui n’a pas été laissé au hasard. Cela intervient cinq ans après le scandale du Samusocial, et surtout cinq ans après une grande enquête qui avait mobilisé six rédactions dont le Vif, La Capitale ou encore la RTBF et impulsée par l’ASBL. Pendant près de six mois, les journalistes avaient tenté d’obtenir auprès des 19 communes bruxelloises les rapports annuels de transparence sur les mandats. L’enquête était partie d’une ordonnance de 2006, instaurée après le scandale de la Carolo, qui obligeait la publication de ces rapports mais qui n’avait jamais été appliquée.

Pour Transparencia, le scandale de 2017 et l’ordonnance de 2018, ce n’est donc qu’une histoire qui se répète. « En Région bruxelloise, à chaque fois qu’il y a un scandale on fait une loi de contrôle qu’on n’applique jamais », conclut-elle.