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DROIT 21 avril 2020

Sortie de la crise Covid-19 : "Le Non-Marchand aura un rôle central"

La CNE ivre dans une carte blanche ses priorités et recommandations pour l'après-crise Covid-19. Pour le syndicat,  qui mieux que les professionnels du Non-Marchand peuvent proposer leur expertise pour permettre à la société de ne pas rater la nécessaire cohésion sociale ? 

La Première ministre Sophie Wilmès a composé un groupe de travail dont la mission est de plancher sur la sortie progressive du confinement. Parmi les experts réunis autour de la table, aucun représentant ou presque du secteur psycho-médico-social… Face à cette absence de concertation, la CNE livre ses priorités et recommandations pour l’après-crise, pour le déconfinement. 

Une caractéristique commune au Non-Marchand est le fait de travailler avec des personnes. La question de la protection est donc posée de façon massive quand on veut réfléchir à la sortie de crise. Il faut absolument éviter la « deuxième vague » ; le personnel, les bénéficiaires et les familles sont autant de groupes qui doivent faire l’objet d’une protection spécifique, à des degrés divers selon le type de services. Selon les possibilités de dépistage, et les orientations prises pour l’ensemble de la population, des priorités seront à donner en fonction de l’intensité des risques encourus. Nous plaidons pour une maximisation du dépistage, notamment du test sérologique.

Globalement, le secteur Non-Marchand ne pourra assurer les missions qui sont les siennes en sortie de crise, en répondant aux objectifs ci-dessus, que si les autorités subsidiantes garantissent la couverture des dépenses liées à la crise, aussi bien pendant que à la sortie de la crise. Il est urgent de donner cette garantie aux différents secteurs, avec les adaptations réglementaires adéquates, et la souplesse nécessaire, pour que dès à présent, les organes de direction puissent orienter le maximum d’énergie sur l’après-confinement. Cette garantie doit non seulement couvrir les subventions ordinaires et facultatives, mais aussi le manque de recettes venant de la participation financière des bénéficiaires, ainsi que, pour les secteurs concernés, les coûts liés à la gestion de la crise.

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"Nous revendiquons un refinancement structurel des fonctions collectives"

Si la question du financement en période de crise et en sortie de crise est posée, ce qui est plus fondamental, c’est la conviction que le sous-financement structurel des fonctions de protection sociale (pas seulement la sécurité sociale, mais l’ensemble des fonctions de protection de la capacité de garantir du bien-être à l’ensemble de la société, quels que soient les aléas de la vie) mène à une incapacité de répondre à de tels défis. Nous revendiquons avec force et détermination un refinancement structurel des fonctions collectives, ce qui nécessitera une remise en question fondamentale de la suprématie de l’économique sur la recherche de bien-être collectif. On ne peut cependant absolument pas réfléchir à la sortie de crise de façon homogène dans le Non-Marchand. Les secteurs ont été touchés très différemment selon qu’ils sont des secteurs de première ligne ou essentiels ou en activité très réduite ou supprimée. De même, selon les mesures prises jusqu’à présent par les autorités, on peut déjà constater que l’état financier ou social de tel ou tel secteur sera plus ou moins dégradé.

Par contre, à nos yeux, il est important de réfléchir à un décloisonnement de certains secteurs, qui permettrait un travail collaboratif et de réseau intensifié (à titre d’exemple : le soutien psychologique dans les institutions peut être mené par les services de santé mentale ; le monde culturel et socio-culturel pourrait, sous certaines conditions, intervenir dans les institutions ou sur les réseaux, les aides ménagères sociales pourraient mener leurs activités dans les sites de formation, etc…).

Plus encore, nous estimons que les secteurs du Non-Marchand et leurs travailleurs auront un rôle central à mener ces prochaines semaines et ces prochains mois. Ils doivent être prêts à relever ce challenge. Qui mieux que les professionnels du Non-Marchand peuvent proposer leur expertise, leurs connaissances, leur professionnalisme pour permettre à la société de ne pas rater, dans le cadre du déconfinement, la nécessaire cohésion sociale ? Qui mieux que ces secteurs, chacun à leur manière, peuvent faire en sorte de ne laisser personne sur le bord du chemin, et de surcroît les plus fragiles ?

C’est l’essence-même, l’identité-même du Non-Marchand.

Ce rôle majeur d’acteur sociétal est rendu possible par la grande capacité d’adaptation et des ASBL, et du personnel de terrain.

"Ces secteurs doivent être revalorisés sur le long terme, et pas par une sucette"

Mais il faudra d’abord sortir de la logique d’imposition de décisions prises « sous couvert de l’expertise des scientifiques », au nom du bien commun que seuls eux prendraient en compte. Et enfin se reposer sur une des richesses du patrimoine social belge, à savoir la concertation sociale. Celle-ci est largement non seulement ignorée, mais bien souvent bafouée pendant cette période de crise. Des décisions sont prises sans aucune concertation avec les interlocuteurs sociaux du secteur, et s’imposent en dogmes dans les Commissions paritaires et les institutions/ associations, créant ainsi des distorsions inimaginables dans les relations sociales sur le terrain. Il est fort à parier qu’en sortie de crise, ce qui a dû être accepté « pour ne pas être considérés comme des déserteurs, lâches », créera un ressentiment difficilement maîtrisable, dont les issues risquent bien de succomber aux sirènes populistes ou de replis sur soi. Il s’agira donc de tenter de réparer les dégâts par une implication structurée des travailleurs du secteur, au niveau de l’ensemble du Non-Marchand, des Commissions paritaires sectorielles, et des entreprises (CE, CPPT, DS). Au niveau local, les CPPT et la médecine du travail doivent impérativement être réinstallés dans leurs missions, y compris dans l’opérationnalisation des mesures de sortie de crise.

Il faudra porter une attention particulière à la communication. Elle devra faire l’objet d’une concertation afin de viser à l’adhésion de tous et toutes. Surtout, elle devra être univoque et positive, visant à rassurer d’abord, convaincre ensuite, et enfin mobiliser, plutôt qu’asséner, culpabiliser et menacer. Des circuits de communication clairs et connus de tous doivent être mis en place et maintenus dans la durée, pour garantir d’une part le rapportage des incidents/ accidents… et d’autre part un accès aux informations transparentes pour le personnel, les résidents et leur famille. Nous ne pouvons passer sous silence les intentions plusieurs fois répétées du gouvernement fédéral de « récompenser » le personnel soignant. Nous avons eu l’occasion de transmettre aux présidents de partis la position du front commun syndical à ce sujet. En bref, priorité aux conditions de travail et de sécurité pour le personnel ; il n’y a pas un seul secteur qui prend soin des personnes ; c’est pour l’ensemble du personnel des secteurs concernés ; pas en net alors que le secteur vit de ces cotisations et contributions ; ces secteurs doivent être revalorisés sur le long terme, et pas par une sucette ; c’est à la concertation sectorielle qu’il revient de décider des modalités d’affectation des moyens dans les secteurs concernés. Cela doit aussi être le cas pour la mise en œuvre du « Fonds Blouses blanches » de 400M°€ annuels (via les fonds Maribel socia). Le pire serait qu’il soit absorbé dans la gestion globale de la crise : ce serait ressenti comme un vol.

Dans ces conditions, il nous semble indispensable de lancer très rapidement les bases d’une grande concertation intersectorielle du Non marchand, visant à conclure un nouvel ACCORD NON-MARCHAND dont les effets débuteraient dès janvier 2021. Il s’agirait là d’une réelle reconnaissance pour ce secteur, et une tentative de compenser les pertes d’attractivité encore créées par la gestion calamiteuse de la crise.

Stéphanie Paermentier, Yves Hellendorff, Marie-Agnès Gilot, Esther Charles, Adam Gigan , CNE

Un article initialement paru sur le Guide Social