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VIE ASSOCIATIVE 7 septembre 2020

Être une ASBL à l’ère COVID : un casse-tête rythmé d’incertitudes

Pour assurer leur mission à profit social en période de crise COVID, les ASBL doivent sans cesse s’adapter. L’équipe amputée d’un travailleur en quarantaine, des règles d’hygiène assouplies puis finalement renforcées… En cette rentrée, MonASBL.be a pris la température du secteur. Une chose est sûre : malgré les incertitudes, on veut rester positif ! 

Les vacances terminées, pour certaines ASBL cette parenthèse estivale n’aura pas suffi pour se remettre complètement sur pied. « Compte tenu de la tension liée à la situation, on a pu avoir des congés seulement sur des petites périodes et pas vraiment réparateurs », confie Sophie Crapez, coordinatrice générale au sein de l’ASBL Comme chez nous. L’association offre un accueil de jour en urgence et un accompagnement social vers les réinsertions multiples aux personnes sans-abri ou issues de la rue à Charleroi.

« Un casse-tête au niveau des ressources humaines »

Quant aux travailleurs qui sont partis à l’étranger, le retour a pu se révéler être un véritable casse-tête. « Les zones n’arrêtent pas de changer et, ça aussi, ça affecte les ressources humaines et la planification des horaires », constate de son côté Kris Meurant, directeur du pôle psychosocial et hébergement de l’ASBL Transit, qui assure l’accueil et l’hébergement pour les usagers de drogue à Bruxelles. Et de continuer : « Mais on a de la chance car tout le monde au sein de l’équipe a su se montrer très souple ».

Depuis le début de la crise COVID, les responsables d’ASBL doivent jongler avec les règles sanitaires. Et ces derniers mois ne sont pas allés en s’arrangeant. « Entre juillet et août, il y a eu un aller-retour entre assouplissement des mesures et finalement non. C’est un casse-tête au niveau des RH, on prévoit les choses de mois en mois », confie Kris Meurant. Sans parler du risque d’avoir un positif au sein de l’association. « Très souvent dans le non marchand on ne peut pas faire de télétravail », rappelle Bruno Gérard, directeur de Bruxeo (confédération représentative des entreprises à profit social bruxelloises). Un cas positif pourrait entrainer tout simplement la fermeture temporaire de la structure.

Pour éviter ces scénarios catastrophes, les ASBL suivent scrupuleusement les consignes sanitaires. Mais là encore, il aura fallu « s’adapter au jour le jour », raconte Manon Michel responsable commerciale au centre sportif Mounier, à Woluwe-St-Lambert. « C’était compliqué d’avoir des infos concrètes on nous demandait de nous référer à notre commune mais il fallait réussir à la joindre, et les gens en attendant voulaient avoir des infos ».

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Maintenant que les activités peuvent reprendre, le centre sportif doit se montrer intraitable sur les protocoles d’hygiène. « On est un gros centre, il y a beaucoup de passages et le mot centre sportif peut en décourager plusieurs, c’est pour ça qu’on a envoyé tous les protocoles début de semaine passée, pour bien expliquer qu’il faut porter le masque, qu’il faut suivre le circuit de circulation, etc. On met tout en place pour que les gens soient rassurés ».

A ce sujet, Bruno Gérard rebondit : « On partage la nécessité de mettre en place un plan d’urgence, une politique sanitaire, mais ça entraine beaucoup de charges administratives qui ne sont pas compensées dans les équipes. Déjà que la charge administrative est lourde, ça a alourdit encore plus ».

Le non marchand toujours en première ligne

Du côté de Transit et Comme chez nous, les deux ASBL, qui interviennent dans des secteurs d’urgence, n’ont jamais cessé leurs activités. Et ce même pendant le confinement. « On a des équipes épuisées et des bénéficiaires aussi, la tension est forte », raconte Sophie Crapez.

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Et la cadence n’est pas près de ralentir. En effet, si pour le moment il n’y a encore aucune donnée précise, les conséquences de la crise sur la population commencent à se faire sentir. Un constat visible « au niveau de la santé mentale, du secteur sanitaire, des violences contre les femmes… On a également observé dans les médias la question de l’aide alimentaire, mais il y a aussi tout ce qui est accompagnement social pour les gens qui ont perdu leur emploi, etc… », énumère Bruno Gérard, directeur de Bruxeo.

Là encore, le secteur non marchand est en première ligne. « Pour le moment les organisations non marchandes ne sont pas en mesure de répondre à ces besoins car elles ont un personnel limité, et leur personnel et leurs structures sont limitées également par les règles sanitaires comme la distanciation sociale, les périodes de quarantaine… ».

Ainsi, la première revendication de Bruxeo auprès des pouvoirs publics est de « sauvegarder les services à la population et notamment de prolonger les aides qui ont déjà été octroyées au 1er et 2e trimestre sur les 3e et 4e trimestre 2020 ». A quelques mois de la période hivernale, l’enjeu est central pour l’ASBL Comme chez nous : « Si on se trouve en situation où on n’est plus en mesure de suivre avec l’équipe actuelle, on devra diminuer notre offre d’aide alors qu’on sait qu’il n’y a personne qui prendra le relai ».

« Des difficultés à maintenir le volume de bénévoles »

L’association espère pouvoir compter sur des bénévoles mais pour le moment la mobilisation est compliquée. « On a eu un élan citoyen important pendant la crise. A la rentrée, on a un certain nombre de personnes qui reprennent une activité et maintenant on a des difficultés à maintenir le volume de bénévoles », explique la coordinatrice.

Selon elle, ce n’est pas tant le risque sanitaire qui inquiète les volontaires mais le contexte dans lequel ils doivent intervenir. « On intervient auprès d’une population qui n’est pas facile avec des risques de passage à l’acte. Et parfois les bénévoles doivent s’occuper de taches qui sont les plus rébarbatives… Par exemple, on a besoin de soutien au niveau du nettoyage avec les procédures qui sont renforcées ».

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La réponse politique

La plupart des ASBL interrogées estiment avoir été entendues par les pouvoirs publics pendant la crise. « Au début on ne faisait pas mention du handicap, puis on a été en contact avec les cabinets de Christie Morreale pour la santé et Caroline Désir pour l’enseignement et finalement les politiques ont fini par comprendre », explique Jérémy Mercier, chargé de communication au sein de l’ASBL Inclusion. Toutefois, « il faut rester vigilent en période de rentrée », insiste-t-il. « Oui il y a eu de l’intérêt, mais est-ce qu’il est toujours là ? Il faut que les sollicitations politiques et de la presse continuent ».

Même son de cloche du côté de Comme chez nous : « On a été entendus pendant la première période de crise, mais à ce stade on n’a pas de réponse de soutien spécifique par rapport à la période hivernale à venir. On est encore dans les premiers jours de la rentrée, on espère que dans les ajustements budgétaires cela pourra être pris en considération. » 

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A Bruxelles, la confédération Bruxeo est en étroite concertation avec le gouvernement. « On est en discussion à l’heure actuelle, explique Bruno Gérard. On a reçu mi-juillet un plan avec une centaine de fiches. Puis, on a eu deux jours d’audition où les différents cabinets politiques sont venus présenter leurs fiches. Maintenant on travaille au sein de Brupartners [Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale, ndlr] pour remettre les commentaires sur ce plan ».

Dans ce plan de relance et de redéploiement, certaines mesures pourraient augmenter le volume de services. « Mais à l’heure actuelle c’est encore à prendre au conditionnel, de plus ça s’inscrit dans perspective budgétaire limitée dans le temps et certaines fiches ne sont pas budgétisées ».

Du scénario confinement au retour à la « normale »

En attendant d’y voir plus clair, les ASBL se préparent à un éventuel deuxième confinement. « On a plusieurs scénarios pour minimiser les personnes qui travaillent et pour réduire la capacité d’accueil sur le site de Transit », explique Kris Meurant.

Même chose du côté de l’ASBL Inclusion. « Pour tout ce qui est adaptation des formations, on doit se tenir prêt si la situation s’aggrave. En interne on se prépare au pire mais en essayant de rester positif et en espérant de pouvoir reprendre des activités normales ». D’ailleurs, l’ASBL commence déjà à remettre au calendrier les combats qui ont été mis de côté pendant la crise COVID. « On essaie de sortir du carcan COVID parce qu’il y a des combats qu’on mène et qui sont toujours d’actualité ».

Caroline Bordecq