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VIE ASSOCIATIVE 10 décembre 2020

Les ASBL face au Covid : "Passer son temps à faire et à défaire"

Manque de financement, public restreint, communication et convivialité mises à mal... Le coronavirus ne facilite pas la vie des ASBL. Entre les mesures et les protocoles, les associations s’adaptent non sans parfois une dose d’originalité pour poursuivre leurs activités. Nouvelle ASBL à être interviewée dans le cadre de notre série “Les ASBL face au Covid” : écoconso, association d'éducation à l’environnement.

Notre série "Les ASBL face au Covid" :

Issue d’une initiative commune en 1991écoconso fédère maintenant plusieurs associations autour du respect de l’environnement et de la santé. Agissant auprès de CPAS, d’associations ou d’écoles, écoconso sensibilise, conseille et anime pour encourager des comportements plus durables. C’est en mai, en plein milieu de la crise sanitaire, que Dimitri Phukan a pris ses fonctions de secrétaire général.  Malgré cette situation, il continue d’insuffler un vent d’action dans l’ASBL pour s’adapter à toutes les difficultés.  

Éduquer à l’écologie malgré la crise sanitaire 

MonASBL : La crise sanitaire impacte de nombreuses ASBL dans leurs projets... 

Dimitri Phukan : Effectivement, on a dû reporter puis annuler beaucoup de nos actions. Tous les ans, l’association lance par exemple une campagne à thème. Pour 2020, c’est “Less is more”. L’objectif est de montrer qu’on peut consommer moins, tout en conservant un certain bien-être. Au début, on avait donc prévu tout un ensemble de rendez-vous. Rob Hopkins devait présenter en conférence son nouveau livre “Le pouvoir de l’imagination”, mais on devait aussi participer à différents salons. Malheureusement, toutes ces activités liées à cette campagne ont dû être annulées. On avait aussi créé des supports spécifiques comme des cartes prédisant l’avenir (plus d’économies, plus de santé, plus de convivialité...). C’est dommage de ne pas pouvoir les utiliser... On va donc essayer de prolonger la campagne en 2021, en l’étalant sur deux ans.  

MonASBL : Ces derniers mois ont été propices à une plus grande prise de conscience écologique. En tant qu’association d’éducation à l’environnement, l’avez-vous ressenti ?  

Dimitri Phukan : écoconso tient un numéro vert pour tous les consommateurs qui ont des questions. Et de leur part, les questions n’ont pas diminué. On est autant interpellé qu’avant. C’est donc encourageant de voir que la conscience écologique n’est pas partie à la trappe avec l’arrivée du coronavirus. On a beaucoup de questions sur le vélo : de nombreuses personnes s’y sont mis pendant le confinement. Au début, on a aussi constaté un intérêt pour les circuits courts. Mais malheureusement, il n’a pas vraiment perduré dans le temps. On voit donc effectivement des réflexions, mais il faut voir si elles vont se pérenniser. 

Lire aussi : Les défis des ASBL à l’ère COVID : entre adaptations et opportunités

Faire avec la complexité du numérique 

MonASBL : Malgré le travail à distance, avez-vous réussi à adapter certaines de vos actions ?  

Dimitri Phukan : Le fait de basculer en télétravail n’a pas trop difficile pour nous. On était déjà bien équipé en portable et en connexion VPN. Cela s’est donc fait sans trop de problème. Grâce aux visioconférences, on a réussi à s’adapter. On a pris un abonnement Zoom : ça ne fonctionnait pas trop mal. En novembre, on devait malgré tout organiser un évènement important : les portes ouvertes éco-bâtisseurs. Concrètement, ce sont des portes ouvertes pour des bâtiments écoresponsables à Bruxelles et en Wallonie. On les a donc remplacées par des webinaires. Ils ont plutôt bien marché : sur le dernier, on a eu une centaine d’inscrits. Mais on se rend surtout compte qu’on ne touche plus une certaine partie de notre public... 

MonASBL : Effectivement, toucher des personnes isolées et attirer en ligne en général doit être complexe... 

Dimitri Phukan : Une partie de notre public peut se connecter très facilement : les actifs ont des ordinateurs. Mais pour d’autres, le numérique complexifie beaucoup de choses. D’habitude, on fait un certain nombre d’animations auprès de publics plus précarisés. Actuellement, ces personnes ne peuvent pas être présentes en ligne. Pour les personnes plus âgées, c’est la même chose : celles qui viennent normalement visiter les bâtiments ne sont pas venues en ligne. Elles n’ont pas forcément l’impression d’être concernées ou alors sont perdues à cause de l’informatique. C’est donc des questions que l’on se pose avec d’autres associations qui éduquent à l’environnement : quelles actions faire ? Comment les digitaliser ? Et jusqu’à quel point ? Il y a encore des limites à surmonter... 

MonASBL : Avez-vous réussi à reprendre vos animations en présentiel lors du premier déconfinement ? 

Dimitri Phukan : On a pu les reprendre en partie, mais il a fallu appliquer de nombreux protocoles. Ça a été un grand travail de réflexion : agencement des salles, distanciation, masques, objets à manipuler... Recalibrer les choses nous a demandé énormément d’investissements. Et puis, très vite, il y a eu de nouvelles restrictions. En octobre, on a de nouveau été confiné. Alors cette année, je crois qu’on va passer notre temps à faire et à défaire... 

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Liens sociaux, jeux et “cafés papote”

MonASBL : Le lien digital n’est pas non plus le même à distance et en présentiel. Arrivez-vous à conserver une ambiance chaleureuse avec votre public ?  

Dimitri Phukan : Avant de commencer, on avait un peu d’a priori. On se disait que ça allait être froid, que ça allait être un peu difficile. Mais maintenant, je pense qu’il est tout à fait possible de créer du lien avec le numérique. Il faut juste faire différemment : on ne peut pas calquer en numérique l’animation ou la conférence que l’on fait en présentiel. Au début, on a donc pris un peu de temps pour apprivoiser les fonctionnalités de Zoom. On a vu qu’il était possible de produire des sondages et des petits jeux. Ça rend l’animation plus dynamique ! On a aussi étudié la possibilité de la mise en sous-groupe. On voulait rendre l’évènement un peu plus convivial. Alors même si ça ne remplace pas le présentiel, ça reste plus intéressant.  Au moins, l’animation en ligne ne consiste pas simplement à écouter quelqu’un parler tout seul. C’est un peu trop soporifique... Mais après tout, pour ça, c’est un peu la même chose en présentiel ! 

MonASBL : Garder une bonne cohésion d’équipe est aussi un défi...  

Dimitri Phukan : Comme on a eu des périodes de déconfinement, on a eu quelques moments d’équipe. On a essayé de faire des rencontres. Cependant, à chaque fois, il a fallu louer de grandes salles et garder une distance d’1m50 entre chacun. Ce n’était donc pas très chaleureux... Mais au moins, on a pu se revoir. On était très content ! On sent tous que c’est important de garder le lien. En ligne, on se retrouve donc sur visioconférence : on fait des “cafés papote” une fois par semaine. On prend une petite demi-heure et on se retrouve comme si on était à la machine à café. On raconte les dernières nouvelles : on ne parle pas forcément de boulot. On peut alors échanger et garder du lien. Mais ce n’est pas évident.... 

S’appuyer sur les financements structurels 

MonASBL : La crise est aussi difficile financièrement pour de nombreuses ASBL... 

Dimitri Phukan : écoconso subit effectivement une perte de revenus étant donné que beaucoup de nos animations n’ont pas lieu. Mais pour l’instant, grosso modo, les comptes ne sont pas trop mal. Dans l’ASBL, on est que 11. Malgré ça, une animatrice a dû être mise en chômage économique : on avait plus assez d’évènements pour assurer notre financement... On est donc quand même inquiet pour l’année prochaine. 

MonASBL : Avez-vous touché des aides d’urgence ?  

Dimitri Phukan : On a touché une aide de 2.500€ de la Région wallonne pour l’éducation à l’environnement. On a monté le dossier et on a obtenu des subsides puisqu’on avait plutôt une bonne trésorerie. Donc pour l’instant, ça va.  

MonASBL : Avez-vous peur pour la survie de votre ASBL ?  

Dimitri Phukan : On a la chance d’avoir des financements structurels. C’est un gage de sérénité. Maintenant, si on devait continuer comme ça, toute la plus-value d’écoconso pourrait disparaître... On peut s’organiser à distance, mais ce n’est pas la même chose. Donc si ça devait durer, je ne sais pas trop comment ça tournerait... 

Lire aussi : Covid-19 : nos conseils pour gérer et relancer l'ASBL

"On a besoin de perspectives”

MonASBL : Quel est votre état d’esprit vis-à-vis des prochains mois ?  

Dimitri Phukan : Le premier confinement était placé sous le signe de la débrouille : on y va et on fait comme on peut. On découvrait les difficultés, les nouvelles approches... Mais pour ce deuxième confinement, les choses sont un peu plus difficiles. On n’a pas vraiment de perspectives, on s’interroge beaucoup. Va-t-on pouvoir organiser des manifestations ? Après tout, ça fait quand même partie de l’ADN de l’association... On se rend aussi bien compte qu’il faut mettre en place des approches plus structurelles. Elles doivent complétement faire partie du quotidien. On passe donc notre temps à faire et à défaire : ça demande beaucoup d’énergie. Je pense que je partage ce ressenti avec beaucoup d’autres personnes. On vit un peu au jour le jour et ce n’est pas évident... On a vraiment besoin de perspectives.