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VIE ASSOCIATIVE 24 novembre 2020

Les ASBL face au Covid : "Notre nom est Convivial : ce n’est pas pour rien"

Manque de financement, public restreint, communication et convivialité mises à mal... Le coronavirus ne facilite pas la vie des ASBL. Entre les mesures et les protocoles, les associations s’adaptent non sans parfois une dose d’originalité pour poursuivre leurs activités. Nouvelle ASBL à être interviewée dans le cadre de notre série “Les ASBL face au Covid” : Convivial, association favorisant l’insertion des réfugiés et primo-arrivants à Bruxelles.

Notre série "Les ASBL face au Covid" :

Depuis 25 ans, Convivial œuvre pour l’insertion professionnelle et sociale des réfugiés en Belgique. D’une aide à la première installation à une aide matériel en passant par un suivi social, l’ASBL souhaite accompagner au mieux ses publics. En mars 2020, Convivial a ainsi ouvert le troisième BAPA (Bureau d’accueil primo-arrivants) de Bruxelles. Malgré des débuts en pleine crise sanitaire, Mélanie Tremel, directrice opérationnelle du BAPA continue d’être présente pour ces 126 inscrits et inscrites. Le mot d’ordre ? Rester convivial malgré les mesures !  

“S’organiser directement en mode Covid” 

MonASBL : Vous avez ouvert le BAPA le 2 mars 2020, juste avant le premier confinement. Comment la crise vous a-t-elle impactée ? 

Mélanie Tremel : En ouvrant juste avant la crise sanitaire, nos débuts ont été un peu discret. On a ouvert plus officiellement au mois de septembre. Mais la crise a eu énormément d’impact sur notre BAPA. D’abord, nos travaux ont été retardés. Au lieu de durer trois mois, ils ont duré sept mois. Il a aussi fallu faire un suivi à distance, ce qui a demandé une grande organisation. Le 2 mars, une nouvelle collaboratrice est aussi arrivée au sein de notre équipe. On a donc dû réfléchir à la manière de la former à distance. D’une façon plus générale, on a dû tout de suite réfléchir à notre organisation en mode Covid. D’abord en confinement, puis en déconfinement. Jusqu’à maintenant, on n’a jamais pu fonctionner normalement... Les autres BAPA faisaient des permanences, par exemple. Nous, on n'a jamais pu en faire. On fonctionne toujours sur rendez-vous.  

MonASBL : Le coronavirus doit rajouter de nombreux défis supplémentaires pour vos services... 

Mélanie Tremel : L’enjeu principal est celui de la digitalisation. Pour beaucoup de personnes, il est très compliqué de ne pas pouvoir se déplacer, ou même de prendre un rendez-vous en ligne. Les raisons sont multiples : soit ils ne maîtrisent pas l’outil, soit ils ne maîtrisent pas la langue, soit ils n’ont pas une connexion assez performante. À ce niveau, le BAPA fait donc principalement le pont entre les bénéficiaires qui n’arrivent pas à faire leurs démarches sur Internet et les services sociaux (comme les CPAS) pour leurs droits. L’ASBL toute entière a dû aussi réfléchir à la manière d’accueillir le public de manière sécurisée. Il s’agissait d’informer sur les consignes, d’appeler les bénéficiaires pour s’assurer qu’ils n’avaient pas de température avant de venir, ou d’organiser les bureaux pour que les rendez-vous soient conformes. 

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"Retenir les leçons du premier confinement” 

MonASBL : Le BAPA de Convivial s’est construit dans l’incertitude du confinement, se débrouillant malgré la crise sanitaire. Les mois suivants ont-ils été difficiles à gérer ?  

Mélanie Tremel : En mars, on a ouvert dans des conditions très particulières. On a donc retenu des leçons du premier confinement. On sait maintenant qu’un service social en présentiel est essentiel. En mai, on s’est rendu compte que beaucoup n’étaient pas en capacité de gérer les démarches en distanciel. On s’est aussi rendu compte que certains ne touchaient pas d’allocations familiales depuis trois ou quatre mois, et que d’autres n’étaient pas forcément en très bonne santé. Ils n’avaient pas de mutuelle ou ne savaient pas prendre un rendez-vous chez le médecin... On tient donc à garder une permanence sociale pour les plus vulnérables. On a réfléchi sur nos activités et leur organisation : que garder en présentiel ? Pour qui ? L’idée n’est évidemment pas d’inviter les gens à venir, mais de garder de l’espace pour les gens qui en ont vraiment besoin. On a donc une permanence chaque jour pour les choses délicates et les éventuelles nouvelles inscriptions qui permettent d’avoir accès au service social.  

MonASBL : Concrètement, comment vous êtes-vous adapté en septembre ?   

Mélanie Tremel : D’abord, concernant la nationalité, on donne toujours des formations citoyennes. En septembre, on les a donc repris par petits groupes, avec 8 personnes au lieu de 15 dans des salles spécifiques. Maintenant, on va les démarrer en distanciel. On sait qu’on va perdre en qualité, mais on fait comme on peut... Juste avant le deuxième confinement, on a aussi mis en place une permanence informatique sanitairement viable. On va la maintenir. Les personnes peuvent ainsi venir chez nous pour faire leurs démarches sur Internet, sauf qu’elles peuvent être accompagnées. On constate que ça répond vraiment à un besoin. Autrement, on a une banque alimentaire pour les réfugiés. On la garde ouverte, mais on fait les paquets en avance et on réfléchit à une distribution sécurisée. 

MonASBL : Communiquer sur le BAPA n’a pas dû être simple non plus... 

Mélanie Tremel : Jusqu’au mois septembre, on faisait plutôt profil bas. La majorité des arrivants étaient orientés par nos collègues de Convivial ou par le bouche-à-oreille. Depuis quelques temps, on commence une campagne un peu plus intensive de communication envers les CPAS et les communes. D’une certaine manière, les professionnels ont un peu plus de temps avec le deuxième confinement. On essaye donc d’en profiter pour rencontrer le tissu associatif. On essaye de prospecter autour de Forest, à Saint-Gilles ou à Anderlecht. On voulait que l’inauguration lance cette campagne, mais elle a malheureusement été annulée. Malgré tout, ça commence : on a de plus en plus d’arrivants qui ont été orientés par les CPAS ou d’autres partenaires associatifs.  

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Écouter et accueillir en toute sécurité 

MonASBL : Arrivez-vous à maintenir une ambiance chaleureuse malgré les mesures ?  

Mélanie Tremel : On essaye toujours de rendre l’accueil optimal. L’association s’appelle Convivial : ce n’est pas pour rien. Malgré les mesures, on souhaite que le BAPA reste un espace agréable où tout le monde se sente en sécurité, mais aussi écouté et accueilli. Chaque travailleur a donc deux photos de lui sur son bureau : une avec masque et une sans. Ça permet de voir à qui on parle. On a piqué ça aux hôpitaux ! C’est tout bête, mais c’est l’une des meilleures astuces que l’on ait mise en place.  Normalement, à la fin de chaque formation citoyenne, il y a aussi toujours une fête. On a donc décidé d’acheter des petits ballotins de pralines pour chaque participant.  

MonASBL : Envoyer de la positivité et garder le lien à distance est effectivement primordial... 

Mélanie Tremel : C’est ce qu’on essaye de faire au quotidien. Là, on est en train de réfléchir à l’envoi de petites vidéos via WhatsApp. Ça permettra aux bénéficiaires de travailler le français ou la citoyenneté. Comme ça, même si on n’est pas présent physiquement, ils peuvent savoir que l’on est là. Notre service “Vivre ensemble” a aussi créé un groupe Facebook “Communauté convivial” où des citoyens et des bénéficiaires peuvent discuter ou autre. Évidemment, c’est toujours en construction. Comme tout le monde, on est constamment en train de réfléchir à comment on peut faire. 

"Recréer l’informel en numérique” 

MonASBL : Arrivez-vous à maintenir la cohésion d’équipe malgré le télétravail ?  

Mélanie Tremel : On y travaille. Dans mon équipe, on a plein de petites astuces. Par exemple, pendant le premier confinement, j’envoyais une chanson tous les lundis matin ! Maintenant, on a des petits challenges par semaine. J’ai envoyé une chanson, puis j’ai nommé une personne qui devait m’envoyer une autre chanson... C’est un peu basique, mais l’équipe aime bien. Au niveau de Convivial, on a aussi fait des pauses café numériques. Ça marche plus ou moins ! Ce qui manque avec le présentiel, c’est l’informel. On essaye donc de le recréer numériquement. Ce n’est pas simple... Ce qui nous manque est aussi de savoir ce que font les autres. Ces pauses permettent donc aussi de s’informer. Malgré tout, ce n’est pas évident. On essaye toujours de réfléchir à cette question.  

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Jouer son rôle avec les moyens disponibles 

MonASBL : Avez-vous manqué de moyens matériels ? 

Mélanie Tremel : Non pas vraiment... Notre banque alimentaire n’est que pour les réfugiés. Après, on a aussi peu de visites donc on attend de voir. Mais lors du premier confinement, notre manque de moyens était assez basique : il nous fallait des ordinateurs pour que notre personnel puisse travailler. C’est bête, mais c’est essentiel. 

MonASBL : La crise impacte de nombreuses ASBL financièrement...  

Mélanie Tremel : Pour l’instant, on n’a pas été impacté financièrement. Après, on verra combien de temps ça dure. On a reçu des aides pour l’achat de masques et de gel hydroalcoolique. Cependant, on n’a pas reçu d’aides pour pouvoir fournir des masques aux bénéficiaires. On a donc fait un appel aux dons pour pouvoir acheter des masques. La campagne a bien marché. On a aussi reçu des propositions pour acheter des ordinateurs pour les familles victimes de la fracture numérique. 

MonASBL : Vous y avez répondu favorablement ?  

Mélanie Tremel : Le problème est que Convivial n’est pas compétente là -dessus : ce n’est pas une école de devoirs. À un moment, il faut donc aussi faire les choses que l’on sait faire... Parce que derrière cette demande, il fallait d’abord évaluer les besoins, puis choisir à qui donner les équipements en priorité... On ne s’est pas lancé sur ce genre de choses. Ce n’est pas notre métier. Le plus important pour nous était que Convivial reste un lieu sécurisé sanitairement pour tous. Et pour ça, on a reçu des aides.  

MonASBL : Quel est votre état d’esprit à l’heure actuelle ?  

Mélanie Tremel : J’essaye d’être présente pour nos publics. C’est mon état d’esprit, mais c’est aussi celui de toute l’équipe de Convivial.  On ne veut pas les laisser tout seul. Le confinement et l’épidémie touchent en première ligne les plus précaires. Une infographie de la Fondation Roi Baudoin est sortie il n’y a pas longtemps : les familles monoparentales et les réfugiés cumulent les difficultés pendant cette période, alors que la fracture numérique s’agrandit ou que d’autres ne mangent pas... Comme l’ensemble des associations, on a un rôle à jouer. D’ailleurs, elles le jouent. Elles sont comme une sorte de filet social qui retient le marasme qui se produit. Malgré tout, Convivial veut donc être présent pour nos publics, et surtout, de manière sécurisée.