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VIE ASSOCIATIVE 26 novembre 2020

Les ASBL face au Covid : "Continuer à faire vivre le sentiment d’équipe"

Manque de financement, public restreint, communication et convivialité mises à mal... Le coronavirus ne facilite pas la vie des ASBL. Entre les mesures et les protocoles, les associations s’adaptent non sans parfois une dose d’originalité pour poursuivre leurs activités. Nouvelle ASBL à être interviewée dans le cadre de notre série “Les ASBL face au Covid” : le BRASS, club de natation synchronisée bruxellois.

Notre série "Les ASBL face au Covid" :

Depuis 15 ans, le BRASS (Brussels Aquatic Synchro Swimming) réunit sportives et sportifs autour de la natation synchronisée. Peu importe que l’équipe soit baby, junior ou senior, de la filière compétition ou loisirs : le BRASS veille à offrir les meilleurs entraînements possibles. Même sans piscine, le meilleur club de Belgique ne se laisse pas abattre ! Fanny Bouvry, co-fondatrice et entraîneuse principale continue de réinventer la natation synchronisée. 

S’adapter malgré les mesures

MonASBL : Comment la crise vous impacte-t-elle ?   

Fanny Bouvry : Le plus difficile pour nous, c’est la fermeture des piscines. On ne peut pas faire notre sport sans piscine. Depuis mars, on dépend donc des décisions qui tombent du jour au lendemain. À chaque fois, on doit réorganiser nos équipes. Mais on a un comité très réactif : la conférence de presse n’est pas terminée qu’on est déjà en train de s’envoyer des messages pour voir comment on va s’organiser ! On a toujours essayé de maintenir les entraînements. Tant qu’il restait une piscine, on tentait de placer les filles, même en tournant entre les quelques couloirs. On a vraiment essayé que toutes puissent bénéficier au maximum des bassins et pratiquer leur passion.  

MonASBL : Avec la fermeture des piscines en mars, puis en octobre, avez-vous mis en place des entraînements à distance ?  

Fanny Bouvry : Pendant le premier confinement, on a tout de suite mis en place des séances de gym sur Zoom. Les entraîneurs ont pris de leur temps pour développer des programmes au sol, même si les nageuses n’étaient pas très habituées à le faire. Certaines ont même travaillé les balais directement via Zoom.  Les bénévoles-entraîneurs ont aussi axé leurs programmes pour développer d’autres qualités que les nageuses n’avaient pas forcément le temps de travailler en temps normal. C’est le cas de la souplesse : on ne peut pas beaucoup s’y attarder dans l’eau. Et puis au déconfinement (en mai et début juin) on a mis en place des cours sur pelouse. Même si les piscines n’étaient pas encore ouvertes, on a fait le maximum pour donner des entraînements et ne pas perdre trop de temps. 

MonASBL : Dans un ballet d’équipe, les nageuses nagent de manière très serrée, c’est même la règle. La distanciation sociale ne devait pas être facile à gérer... 

Fanny Bouvry : En août, il fallait effectivement une distanciation sociale dans les couloirs. Mais en septembre, il y avait des bulles sportives. Que ce soit pour le basket, le hockey ou le foot, les équipes avaient le droit de ne plus respecter les distances. On pouvait donc nager en ballet d’équipe. En octobre, quand les mesures se sont redurcies, on devait de nouveau nager en gardant les distances. A partir de là, on ne pouvait donc plus travailler la chorégraphie. On pouvait uniquement travailler l’endurance ou la technique. C’était assez embêtant : par définition, plus les nageuses sont serrées, mieux le ballet est exécuté et plus on a de points. C’était donc contradictoire... 

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Puiser dans les réserves pour assurer l’année 

MonASBL : La crise sanitaire impacte aussi de nombreuses ASBL au niveau financier... 

Fanny Bouvry : On a passé l’année passée sans trop de dégâts. On n'a pas fait les bénéfices habituels. On va donc devoir puiser dans les réserves en 2021 pour pouvoir offrir un service de qualité aux nageuses et nageurs. D’habitude le club se finance de trois manières différentes : avec deux grandes compétitions d’une part, et un spectacle de fin d’année de l’autre.  Avec, on peut alors investir pour l’année suivante dans des maillots ou des sonos.  En natation synchronisée, le matériel coûte en effet très cher. On doit aussi rémunérer certains entraîneurs qui viennent former nos propres entraîneurs ou donner des cours à certaines catégories. Mais avec le confinement, on n’a pas pu organiser ces évènements. La trésorerie habituelle n’a pas été engrangée. Cette année, si on veut donc offrir ces services à nos jeunes, il va falloir qu’on prenne sur nos fonds et sur ce qu’il nous reste... 

MonASBL : Aviez-vous déjà engagé beaucoup de frais pour vos évènements ?  

Fanny Bouvry : L’année passée, toutes les compétitions internationales ont été annulées. Nos avions, nos hôtels et nos airbnb étaient déjà réservés. On a donc eu une perte financière à ce niveau-là. On commence tout doucement à récupérer certaines sommes, mais pour certains investissements on ne voit pas encore le retour. On l’aura peut-être un jour... Concernant la logistique, on paye les piscines à l’heure. C’est une chance pour nous ! À part un ou deux contrats longue-durée, si on ne consomme pas les heures, on ne les paye pas. Sur ce niveau-là, on n’a donc pas beaucoup de pertes. Par contre, ce qui est compliqué est la refermeture des piscines. En septembre, quand les établissements ont commencé à rouvrir, ils étaient beaucoup plus exigeants. Les piscines étaient strictes en matière d’encadrement ou de maîtres-nageurs. La ville de Bruxelles demandait aussi des personnes spécifiques pour assurer la désinfection ou le nettoyage des espaces utilisés. On peut imaginer que ces normes plus strictes s’appliqueront de nouveau après le second confinement. Et tout ça, ça représente des coûts en plus. On ne sait pas du tout à combien ils vont se chiffrer. Le bilan se fera donc sûrement l’année prochaine, lorsqu’on aura traversé une année complète. L’année dernière on a réussi à être à l’équilibre. Cette fois, on doit prendre sur nos investissements... Donc à ce niveau-là, c’est assez compliqué. 

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Compenser les cotisations 

MonASBL : Certains clubs sportifs ont aussi reçu des subsides supplémentaires... 

Fanny Bouvry : Nous concernant, on a seulement candidaté au niveau d’une ou deux communes bruxelloises qui proposaient des aides pour développer des cours en ligne. On a reçu une petite aide. Mais on n’était pas dans la situation d’une association qui a des salariés et qui doit payer un loyer ou autre.  

MonASBL : Avec l’incertitude de la période, avez-vous perdu des cotisations ?   

Fanny Bouvry : En début d’année, deux sections n’ont pas pu reprendre. Ça représente une trentaine de nageuses. Ce sont donc effectivement des cotisations en moins. Il faut aussi noter que notre budget annuel est aussi basé sur un certain nombre de cotisants. Cette année, on a perdu une quantité importante de nos membres qui n’ont pas pu reprendre, même si elles ne demandaient que ça. C’est une perte financière. 

MonASBL : Avez-pratiquez les mêmes tarifs pour les cotisations ?  

Fanny Bouvry : On n’a pas augmenté les cotisations. Chaque année, le prix des cotisations augmente, et les cotisations avec. On a donc décidé de ne pas les augmenter, étant donné que les membres avaient déjà perdu une partie des entraînements l’année passée. Mais il faut savoir que les nageuses ont eu un certain nombre d’heures sur Zoom. Ce nombre était significatif par rapport au nombre d’heures en piscine. En plus, on a offert des camps d’été. Normalement, nos cotisations vont de septembre à juin. Cet été, on leur a donc permis de nager en juillet et en août hors cotisation.  

MonASBL : Attirer de nouveaux membres en cette période n’a pas dû être simple non plus... 

Fanny Bouvry : Je pense effectivement que de nouvelles personnes souhaitant faire de la natation synchronisée en loisirs n’ont pas osé s’inscrire. Elles n’ont pas dû vouloir prendre le risque de perdre des cotisations. Mais malgré ça, on a quand même eu une belle demande à la rentrée. Les deux sections qui n’ont pas rouvertes étaient des sections “adultes débutants” qui représentaient une dizaine de demandes chacune. C’était déjà beaucoup ! Par rapport à l’année passée, en termes d’effectifs, on a donc perdu quelques personnes, mais plus pour des raisons de vie qu’à cause du coronavirus. 

MonASBL : Avez-vous pensé à un financement alternatif comme le crowdfunding pour couvrir vos pertes ?   

Fanny Bouvry : Non pas vraiment. On a des sponsors privés. On a lancé une fois une campagne de crowdfunding, mais c’était une opération ponctuelle pour un duo mixte adulte qui voulait participer au championnat du monde. Mais c’était un projet très spécifique, dans la continuité de ce que la natation synchronisée essaye de pousser : l’égalité des genres. C’était un beau projet, mais c’était une initiative personnelle. 

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“Garder le moral malgré la frustration” 

MonASBL : La natation synchronisée est un sport artistique basé sur des évènements ponctuels. Pour les entraîneurs comme pour les nageuses, ça doit être difficile de faire face à ces annulations après une longue préparation... 

Fanny Bouvry : Comme pour l’ensemble de la population, il y a des frustrations et des déceptions. On s’ennuie, on ne fait plus ce qu’on veut. Dans notre sport, il n’y a que quelques échéances par an. On ne fait vite plus rien... Mes enfants font du hockey : ils ont des matchs toutes les semaines. Eux, ils ont quand même eu la chance d’en faire un certain nombre depuis le début de l’année ! En septembre, on a aussi repris avec des objectifs pour le mois de novembre. Pour certaines, les compétitions ont été annulé juste une semaine avant. Ce sont des grosses frustrations à gérer pour les nageuses qui s’impliquent. Ça concerne surtout les groupes compétition qui nagent dix heures par semaine et qui s’impliquent depuis septembre pour récupérer le niveau. Ces groupes sont de nouveau freinés dans leur élan... 

MonASBL : Oui, ce n’est pas facile de garder le moral...  

Fanny Bouvry : On essaye quand même. C’est aussi l’avantage de notre équipe : tout le monde se connaît vraiment très bien. Le BRASS n’est pas non plus une structure énorme, la communication reste rapide. Quand les piscines ont fermé, on s’est vite réuni pour voir comment organiser les Zoom. D’autres idées sont aussi arrivées. Tout le monde est toujours motivé pour essayer de faire quelque chose. Après, ça reste difficile... La natation synchronisée, c’est un travail de longue haleine. Il y a une progression : quand on perd six mois, on perd vraiment une partie de tout ce qu’on a mis en place, que ce soit au niveau de la chorégraphie, de la souplesse... 

MonASBL : Avez-vous des astuces spécifiques pour garder une cohésion d’équipe ?  

Fanny Bouvry : C’est le plus gros défi pour nous : continuer à faire vivre le club, la passion de nos membres, et le sentiment d’équipe. On essaye donc de continuer à motiver les nageuses. Pour ça, on se sert beaucoup d’Instagram et des réseaux sociaux. On essaye de montrer ce qui se passe dans les autres équipes et on lance des défis toutes les semaines. Pour Halloween, on a d’ailleurs lancé un défi spécial ! 

 MonASBL : Quel est votre état d’esprit vis-à-vis des mois à venir ?  

Fanny Bouvry : Je pense qu’on gère la situation. On a des personnes habituées qui sont présentes depuis très longtemps. Une de notre collaboratrice gère la trésorerie comme une maître, tandis que la secrétaire gère tout l’aspect technique. Elles sont très compétentes, aussi bien en technique qu’en organisation des équipes. Donc pour l’instant, on est content !