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Mutualisation : quand les ASBL se partagent des services

Comptabilité, protection des données... les ASBL ne peuvent désormais plus échapper à certaines obligations légales. Pour faire face à un éventuel manque d’expertise, de temps et d’argent, elles peuvent recourir à la mutualisation. Explications.

D’un côté, il y a l’urgence et les besoins croissants de la population. De l’autre, les obligations légales et les exigences accrues en matière de gestion associative. Et entre les deux, il y a des responsables d’ASBL qui manquent parfois d’expertises, souvent de temps et d’argent.

Pour répondre à ces défis, une pratique se répand de plus en plus dans le secteur : la mutualisation. À tel point que la Région bruxelloise l’a intégrée dans l’un des cinq objectifs de l’accord non-marchand 2021-2024.

Lire aussi : Notre interview avec Barbara Trachte sur l’accord non-marchand

En effet, si le secteur associatif demande aux pouvoirs publics de s’investir davantage face aux enjeux sociétaux, le politique attend des structures non marchandes qu’elles fassent « ensemble, pour faire parfois avec moins d’argent », explique Bruno Gérard, directeur de Bruxeo (confédération représentative des entreprises à profit social bruxelloises).

La mutualisation : le partage de services

Ainsi, pour faire ensemble les ASBL peuvent avoir recours à la mutualisation, c’est-à-dire au partage de services entre plusieurs structures.

L’objectif étant de réaliser des économies d’échelles et de renforcer les collaborations, le tout pour créer une offre cohérente pour les citoyen.nes. Au-delà d’un objectif financier, le temps et l’argent dégagés doivent donc servir à « renforcer notre métier premier. À améliorer l’impact et l’utilité sociale de l’ASBL », précise Bruno Gérard.

Lire aussi : « Evaluer l’impact social de l’ASBL est indispensable pour s’améliorer »

Dans le cadre d’une mutualisation, ce sont les ASBL qui identifient un besoin commun et qui développent un service pour y répondre, explique le directeur de Bruxeo. Pour cela, elles peuvent se tourner vers leurs fédérations ou encore se regrouper en groupement d’employeurs.

La mutualisation peut aussi passer par des collaborations plus simples comme le partage d’une salle de réunion ou encore une cuisine. Quoi qu’il en soit, la démarche est bien différente de la sous-traitance, où l’ASBL se tourne vers une structure externe pour acheter un service.

La mutualisation et l’accord non marchand bruxellois

De son côté, à travers l’accord non marchand, la Région bruxelloise veut pousser les ASBL à se regrouper physiquement ou encore à travers des échanges, des dynamiques de réseaux. L’idée étant de faire de Bruxelles « un modèle de transversalité associative. Cette démarche est intéressante vu le fonctionnement actuel du tissu associatif », explique-t-on du côté du cabinet de Barbara Trachte. Et de préciser : « Certaines ASBL ont encore trop tendance à travailler dans leur coin ou manquent de moyens ».

Selon une enquête réalisée par Bruxeo, si 91 % des ASBL veulent bénéficier de services mutualisés, « seulement 49% sont prêts à participer à leur création ». Les causes principales sont : le manque de temps, le manque d’expertise et le manque d’argent.

Pour réaliser cette mesure, l’accord bruxellois annonçait donc le financement, dès 2022, d’une phase préparatoire pendant laquelle les acteurs universitaires et associatifs doivent collaborer dans la recherche (150.000 euros par an). Les réflexions portent sur :

  1. la mutualisation de fonctions et de services « supports » (coordination, conseil en prévention, comptabilité, support IT, support GRH, support d’audit interne, communication, formation, nettoyage et petits travaux, diversité, énergie, etc.) ;
  2. le renforcement ou la création des mécanismes « équipes mobiles » ;
  3. la création de groupements d’employeurs favorisant la mutualisation des compétences et une meilleure intégration des politiques pour les publics ;
  4. le travail en réseaux ou les collaborations par conventionnement visant à rechercher la multidisciplinarité et l’intersectorialité ;
  5. le regroupement physique/immobilier d’opérateurs de 1ère lignes ;
  6. la création de centrales d’achat (matériels IT, disponibles, etc.).

Des services par les fédérations

En Belgique, des fédérations et confédérations proposent déjà des services de mutualisation. C’est le cas notamment de Bruxeo qui offre gratuitement des services autour de l’énergie et de l’inclusion. « Comme on est en lien très proche avec les ASBL, elles peuvent avoir une influence sur nos offres de service. Nous ne sommes pas dans un rapport fournisseur-client mais de co-construction : les services ont été créé sur base d’une demande », raconte Bruno Gérard.

Depuis 2002, la Codef (Coordination et Défense des Services Sociaux et Culturels) mutualise, quant à elle, les services en matière de secrétariats sociaux pour les ASBL wallonnes et bruxelloises. « En tant que fédération on écoute le terrain et ses besoins pour pouvoir agir. Il nous semble que la gestion des ressources humaines est une priorité », explique à son tour Rose Marie Arredondas, coordinatrice de la Codef.

Il arrive aussi que les administrations proposent des services mutualisés. À Bruxelles, par exemple, Iriscare a lancé la centrale d’achats eCat, permettant aux institutions de soins de la Région de Bruxelles-Capitale d’acheter directement auprès de fournisseur du matériel de protection individuelle nécessaire, de qualité adéquate et aussi avantageux que possible.

Les groupements d’employeurs

Les ASBL décident également de s’associer pour occuper des travailleur/euses (comptable, secrétaire, ouvrier/ère...) afin de mutualiser leurs besoins. C’est ce qu’on appelle un groupement d’employeurs.

« Le groupement d’employeurs répond à des besoins structurels, récurrents et de long terme », précise Pierre Neuray, administrateur de Basic+ ASBL, un groupement d’employeurs rassemblant des écoles et ASBL en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour créer une telle structure, cinq conditions doivent être respectées :

  1. créer une ASBL,
  2. avoir un objet social unique : employer du personnel et le mettre à disposition,
  3. obtenir un agrément préalable du ministre de l’Emploi,
  4. employer du personnel pour minimum 19h/semaine,
  5. ne pas employer plus de 50 travailleur/euses.

Ensuite, l’ASBL (groupement d’employeurs) emploie les travailleur/euses qu’elle met à disposition uniquement de ses membres.

Dans le cadre de Basic+ ASBL, l’idée est née d’ADESIO ASSURANCES. En 2013, cette ASBL spécialisée dans des services de courtier auprès de structures non marchandes décide de créer un groupement d’employeurs après avoir constaté des problèmes de comptabilité dans de nombreuses écoles.

Désormais, une quarantaine de collaborateur/trices sont à disposition des 600 membres de l’ASBL dans les secteurs de la comptabilité, de la prévention, juridique, de l’énergie et de la protection des données. Parmi les avantages, Pierre Neuray met en avant la spécialisation des expert.es. Par exemple, « les comptables connaissent les systèmes de subvention. Lorsqu’une ASBL a un problème, le/la collaborateur/trice l’a forcément rencontré ailleurs. Ce qui n’est pas le cas quand on s’adresse à un fiduciaire ou à un consultant.e », continue-t-il.

Les limites de la mutualisation entre ASBL

L’une des difficultés, en revanche, est de bien garder en tête que le/la travailleur/euse partagé.e travaille pour toutes ou une parties des structures membres du groupement d’employeurs. Et pourtant, « certain.es ont tendance à surcharger de travail », raconte Pierre Neuray.

Bruno Gérard, quant à lui, insiste sur le fait que le groupement d’employeurs, ou la mutualisation en général, ne doit pas servir à réduire l’emploi. Il donne l’exemple de la figure du DPO, soit le délégué à la protection des données, qui n’existe pas encore dans de nombreuses ASBL. Dans ce cadre-là, un groupement d’employeurs permettrait de faire une économie d’échelle future et n’entrainerait pas une diminution de l’emploi.

Enfin, le directeur de Bruxeo évoque le risque de glisser dans le piège de la marchandisation en faisant appel à des entreprises commerciales. L’important étant de ne pas perdre de vue l’objectif final d’améliorer la qualité et l’accessibilité des services.