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Revalorisation des salaires : l’ASBL IF-IC décrypte les nouvelles classifications de fonctions

Vingt ans après le lancement du projet de créer de nouvelles classifications de fonctions dans le secteur de la santé (classifications IF-IC), la mise en place au niveau fédéral et régional se précise. Qui est concerné et comment ? L’ASBL IF-IC a répondu aux questions de MonASBL.be.

D’abord au niveau fédéral, puis en Wallonie et à Bruxelles, les rémunérations dans le secteur de la santé sont au cœur d’une grande remise à niveau. Derrière ce long processus, lancé il y a 20 ans, il y a l’ASBL IF-IC. Créée en 2002 par les partenaires sociaux de la santé, elle est à l’origine d’une méthode de classification des fonctions : la méthode IF-IC.

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, MonASBL.be s’est entretenu avec Lauriane Sable, directrice de l’ASBL IF-IC.

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"D’une rémunération basée sur les diplômes à une rémunération déterminée par le contenu de la fonction"

MonASBL.be : Qu’est-ce que la classification IF-IC ?

Lauriane Sable : IFIC c’est d’abord une méthodologie permettant d’établir des descriptions et des classifications de fonctions. Cette méthode permet d’inventorier, de décrire et de pondérer des fonctions qui existent.

IF-IC est donc le nom de notre méthode, qui est le même que celui de notre ASBL, mais il en existe d’autres qui sont développées par des entreprises privées proposant du soutien RH aux sociétés.

Ce qui fait notre particularité, c’est que l’ASBL IFIC a été créée par les partenaires sociaux du secteur de la santé. Elle est donc gérée de manière paritaire et à chaque moment du processus il y a une étape de validation par les syndicats et les fédérations patronales.

MonASBL.be : Pourquoi avoir mis en place une telle classification ?

Lauriane Sable : Ce projet a été lancé il y a 20 ans principalement parce que le cadre de rémunérations de l’époque avait vieilli. Les listes de fonctions qui étaient reprises dans les conventions collectives étaient dépassées. Il y avait des titres qui ne correspondaient plus aux fonctions actuelles et il y en avait beaucoup qui étaient manquants. Il fallait aussi répondre à une série de points faibles : des salaires trop bas, des barèmes qui se croisaient...

La volonté était d’apporter de la clarté avec un système juste, valorisant et lisible.

De plus, cette classification présente aussi un vrai un changement de paradigme. On passe d’une rémunération basée sur les diplômes à une rémunération déterminée par le contenu de la fonction exercée. C’était un choix des partenaires sociaux.

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"Nous allons alors pondérer les fonctions sur base de six critères"

MonASBL.be : Pourriez-vous nous expliquer comment sont classées les fonctions ? Sur quels critères ? 

Lauriane Sable : Quand on lance un projet on commence par faire l’inventaire des fonctions qui existent dans un secteur sur base des listings que nous envoient les institutions de terrain.

Ensuite, nous allons analyser les fonctions, les recouper et définir celles qui nous paraissent faire sens pour être décrites au niveau du secteur.

Puis, nous rencontrons des travailleurs et travailleuses de terrain pour comprendre en quoi consiste leur fonction. À partir du matériel collecté nous établissons une description.

Nous allons alors pondérer les fonctions sur base de six critères : la connaissance, la gestion hiérarchique, la communication, la résolution de problèmes, la responsabilité et les facteurs d’environnement. Elles vont ainsi avoir un score général qui permettra de les ranger dans des catégories liées à des barèmes.

L’enjeu de notre travail est d’avoir des descriptions de fonctions qui soient suffisamment reconnaissables et correspondantes, pour déterminer correctement la catégorie barémique à laquelle le travailleur a droit. Sachant que, comme je l’ai dit, à chacune de ces étapes il y a une validation des partenaires sociaux.

"Ce système pourrait être élargi tant que ça reste dans le non-marchand"

MonASBL.be : Quels sont les secteurs concernés par les classifications IF-IC ?

Lauriane Sable : La première classification qu’on a développée était destinée à la commission paritaire 330. Il s’agissait des secteurs fédéraux de la santé, avant la 6e réforme de l’Etat : les hôpitaux, les maisons médicales, les soins infirmiers à domicile, qui sont toujours au niveau fédéral, mais aussi les maisons de repos, les maisons de soins psychiatriques, les habitations protégées qui ont été ensuite régionalisées.

Plus précisément ce sont les secteurs de la CP 330.01 qui ont implémenté la classification en premier.

MonASBL.be : Ces classifications pourraient s’appliquer sur d’autres secteurs différents à celui de la santé ?

Lauriane Sable : Oui, cela pourrait être élargi tant que ça reste dans le non-marchand car c’est l’ADN de notre ASBL.

En Flandre, dès 2012, on nous a demandé de développer une autre classification IF-IC pour les secteurs non marchands dits « classiques » : les services d’aide familiale, les services d’éducation et d’hébergement de la communauté flamande, l’aide à la jeunesse, le secteur socio-culturel, les entreprises de travail adapté et l’aide sociale.

A Bruxelles, il est prévu, dans le cadre de l’accord non marchand qui vient d’être conclu, une étude de faisabilité pour ces secteurs-là. Afin de voir si et vers quoi on peut s’orienter pour une classification IFIC.

"Attention : ce n’est pas une revalorisation de toutes les fonctions"

MonASBL.be : En quoi cette classification a-t-elle un impact sur le personnel ?

Lauriane Sable : Dans le système antérieur, il y avait une série de fonctions pour lesquelles les barèmes étaient clairement établis mais ce n’était pas vrai pour toutes. Pour les fonctions-clés qui étaient très clairement identifiables, l’attention a été de les rendre plus attractives, notamment dans les 15 premières années car c’est à ce moment-là que beaucoup quittent le secteur. 

Pour vous donner un exemple : pour un infirmier A1 le barème IF-IC représente une augmentation de 3% environ sur l’ensemble de sa carrière. Toutefois, sur les 15 premières années l’augmentation atteint en moyenne 10%.

Attention : ce n’est pas une revalorisation de toutes les fonctions car le but de ce modèle est aussi d’apporter une harmonisation. Pour certaines fonctions, qui étaient jusque-là moins normées au niveau salarial, ceux qui étaient moins payés vont évoluer et ce, parfois de manière très significative. Pour ceux qui étaient payés au-dessus de la moyenne de ce que le secteur applique, l’évolution sera moins marquée (voire nulle).

Toutefois, il faut préciser qu’aucun des travailleurs et travailleuses en service ne va perdre. Une simulation salariale individuelle est envoyée et il est possible de choisir d’entrer dans le nouveau système ou non. Celles et ceux qui décident de garder leur ancien barème vont continuer à évoluer dans celui-ci.

Quel impact du système sur les employeurs ?

MonASBL.be : Que représente l’augmentation des salaires en moyenne ?

Lauriane Sable : On estime qu’en moyenne le salaire des travailleurs et travailleuses augmente de 6 ou 7%. Attention, il s’agit de l’augmentation moyenne globale de la masse salariale.

Quand les moyens ont été débloqués, certaines autorités politiques ont annoncé une augmentation de 6% mais comme je viens d’expliquer ce n’est pas linéaire. Il y en a pour qui le salaire a augmenté de 15% par exemple, et d’autres pour qui IF-IC n’est pas intéressant.

MonASBL.be : La mise en place de la classification va-t-elle entrainer des coûts pour les employeurs ?

Lauriane Sable : Non, le coût de la mise en place du système est entièrement couvert pour les secteurs concernés, ce n’est pas à charge des employeurs.

Pour certains secteurs où la classification va être mise en place on doit encore vérifier que les enveloppes disponibles permettent bien de mettre en place l’IF-IC à 100%. Pour les secteurs régionalisés bruxellois privés, c’est déjà vérifié.

Un outil de simulation pour les travailleurs des hôpitaux publics dans le courant du mois de février

MonASL.be : Où en est-on dans la mise en place des classifications et quelles sont les prochaines échéances ?

Lauriane Sable : Aujourd’hui, l’IFIC est d’application ou en passe d’être appliqué dans tous les secteurs de la santé au niveau fédéral et en Flandre : c’est en place dans le privé, on finalise dans le public. Nous allons sortir l’outil de simulation pour les travailleurs des hôpitaux publics dans le courant du mois de février. Ensuite, entre mars et avril, ce sont les secteurs régionalisés publics flamands, les maisons de repos principalement, qui lanceront.

De son côté, la Wallonie est en train de mettre en place la classification et un rapportage salarial au printemps permettra d’activer l’IFIC début janvier 2023, avec une rétroactivité à juillet 2022.

À Bruxelles on est en train de lancer. D’ici fin 2022 les secteurs régionalisés bruxellois privés auront mis en place l’IFIC, avec une rétroactivité à juillet 2022. Il n’y a pas de décision prise à ce jour concernant l’implémentation de l’IFIC dans les secteurs régionalisés bruxellois publics.

Caroline Bordecq